"La Vie du Rail", périodique bien connu des cheminots, à consacré un article conséquent sur notre artiste local, André Demonchy.
C'est Anatole Jakovsky, fin connaisseur de Demonchy, qui rédigea cet article dont vous pouvez trouver le détail ci-dessous :
La peinture naïve qui comptait déjà parmi ses meilleurs représentants des postiers, des bouchers, des concierges et même un ancien gabelou, puisque le soi-disant Douanier Rousseau, n'était qu'un simple préposé à la barrière de la porte de Vanves, a attendu, semble-t-il, assez longtemps avant d'y admettre un cheminot. Car, n'est pas peintre naïf qui veut, et si beaucoup de cheminots peignent pendant leurs loisirs, rares sont ceux d'entre eux qui révèlent une véritable personnalité et qui n'imitent personne. La plupart se contentent, hélas ! de reproduire des chromos, des photographies, sinon, tout bonnement des œuvres d'autres artistes, ceux qui "savent peindre". Or, la saveur et la valeur de la peinture naïve résident justement dans le fait de pouvoir tout peindre sans avoir rien appris. Cette lacune est comblée à présent avec A. Demonchy, "L'hirondelleur des rails", selon l'image surréaliste d'André Breton.
Ce parigot du XVe, né le 14 septembre 1914, a été orphelin de bonne heure à la suite de la guerre. Confié à l'Assistance publique et élevé à la campagne, il a eu ce que l'on appelle une enfance et une adolescence mal heureuses. Et c'est sans doute ça qui l'a orienté, inconsciemment, vers la peinture et le dessin, les arts qui peuvent embellir la vie à son gré. Il dessine donc de très bonne heure, n'importe où, sur n'importe quoi, sur les portes des. granges, par exemple, ce qui lui vaut, bien sûr, des taloches supplémentaires. Mais qu'est-ce qu'une taloche si on arrive à recréer la vie et voir les cieux toujours bleus et la terre toujours rose ?
Mais sa carrière artistique ne commence pour de bon que, lorsque libéré par les Allemands comme cheminot (il travaillait depuis 1937 à la S.N.C.F.), il rencontre tout à fait par hasard un amateur de peinture qui lui achète des pinceaux et des couleurs et l’encourage à persévérer. Demonchy travaillait à cette époque-là comme garçon de bureau à la gare Saint-Lazare. Et alors, les dés sont jetés... Finies les distractions, les sorties, les bals, la belote ! Il consacre désormais à la peinture tout son temps disponible.
Ses tableaux se vendent un peu, plutôt mal, mais sa première exposition à la Galerie de Berri, en 1949, le révèle enfin aux amateurs parisiens. C'est un succès. Le succès qui franchit rapidement les frontières de son pays et le fait connaître même outre Atlantique. En effet, une exposition â New York succède à celle de Paris. Malheureusement, la crise survient entre temps qui l'empêche d'abandonner son gagne-pain, comme il se proposait un instant, le gardant ainsi à l'administration. Cette crise qui dure encore et toujours... Voilà, c'est à peu près tout pour l'instant. En attendant que la roue tourne.
En attendant, il continue sans se décourager à faire de la bonne peinture où les paysages de la campagne fraternisent avec ceux de la capitale et où les saisons se succèdent au rythme vécu des saisons. De temps en temps, il peint la gare Saint-Lazare (ce qui lui a valu d'être représenté à la très belle exposition de la galerie Charpentier : Un siècle de chemin de fer et d'art), puis des petites gares de banlieue, des petits trains idylliques se faufilant parmi des paysages de neige, sans oublier pour cela des grosses locomotives et les automotrices les plus modernes. Eh oui! Demonchy n'oublie jamais son vrai métier, son premier métier. Toujours est-il, qu'arrivé à la quarantaine, il est en pleine possession de son talent qui, ferroviaire ou pas, est fait pour ravir les connaisseurs de la peinture naïve les plus difficiles.
Bonne chance, Demonchy...
Anatole Jakovsky