AVANT-PROPOS

Depuis quelques années, on assiste à une certaine recrudescence de documents concernant, de près ou de loin, la région picarde. Ces documents sont avant tout de nature historique et tentent de replacer la Picardie dans le contexte de l'Histoire de France.

C'est que la Picardie fut, à tous les moments de son histoire, une zone de passage et de transit, de par sa position stratégique entre les pays du Nord et les plaines du centre. Elle a ainsi subi indubitablement tous les aléas du passé et sa place dans l'Histoire de France est donc loin d 'être négligeable.

C'est pourquoi, j'ai tenté dans ce présent travail de dévoiler le passé de notre région à travers celui de notre village, estimant qu'il a, lui aussi, sa part à prendre dans l'Histoire de France.

Toutefois, il serai vain de croire que l'histoire s'est arrêtée à Crouy pour y laisser quelque évènement important. Mais elle y est passée en suivant le cours de la Somme, passage obligé de multiples migrations depuis l'aube des temps. Et notre village, situé au plus profond de cette vallée, ne pouvait être qu'aux premières places du théâtre de l'histoire en marche.

Crouy a donc vu passer l'Histoire avec ses valises pleines à craquer de tourments et d'espoirs pour notre peuple mais, pressée par le temps qui égrène la vie et la mort, elle n'a pu s'y installer. Tout au plus, s'y est elle arrêtée quelque court instant, pour souffler un peu.

Mais il semblerait que, par je ne sais quelle volonté de marquer sa présence, elle ait voulu y laisser des empreintes profondes que l'on retrouve encore quasiment intactes de nos jours.

C'est ainsi que l'on peut, tel un fil d'Ariane, suivre son parcours et toucher du doigt les multiples marques qu'elle a déposées çà et là sur le territoire de notre village.

Aussi, en partant de l'aube des temps préhistoriques, j'ai tenté de suivre ce fil d'Ariane de l'histoire jusqu'à l'époque révolutionnaire de 1790.

J'ai utilisé tous les indices possibles et imaginables tant topographiques qu'historiques, écrits, oraux, pour tâcher de reconstruire notre histoire oubliée.

Mais attention! Que le lecteur ne s'y trompe pas. Mon ambition n'est pas à proprement parler de retracer l'Histoire de France telle qu'elle a été effectivement vécue sur le territoire de Crouy, tâche que je laisse à l'historien, mais plutôt de rassembler tous les témoignages qui ont pu nous parvenir et de les résumer sous une forme claire et concise à la portée de tout esprit curieux.

Ces témoignages sont, en partie, écrits mais quelques uns restent oraux.

Je pense ici notamment aux diverses légendes qui ont pu se forger autour d'évènements lointains qui n'existent plus que dans l'imagination des hommes. Et à Crouy, bon nombre de légendes, de on-dit courent toujours gaillardement.

Mais cette force, cette vigueur encore actuelle des légendes n'est elle pas en soi l'indice d'un évènement ayant réellement existé mais qui s'est perdu dans les méandres séculaires de l'imagination populaire ?

C'est pourquoi, fort de cette idée, je n'ai pas écarté ces légendes, ces on-dit, de mon travail. J'estime en effet que loin d'être à négliger, la légende demeure essentielle dans la recherche des bribes perdues de l'histoire. La légende est en fait ce qui reste de l'histoire quand il n'y a plus d'histoire. C'est ce qui reste d'un fait historique quand la substance même de ce fait a totalement disparu de la mémoire populaire. C'est l'âme, c'est l'esprit de l'histoire. Rejeter les on-dit c'est rejeter les derniers indices d'un évènement perdu dans les abîmes du temps.

La légende est donc un élément essentiel du patrimoine historique de la mémoire villageoise. Le tout est de savoir l'interpréter, comme la traduction d'une langue étrangère, en restant dans le contexte historique qui l'entoure.

Ainsi, après cette mise au point nécessaire, nous allons donc, sans plus tarder, partir en voyage à travers le temps afin de découvrir l'histoire de notre bien-aimé village

**************************************.

Il y a quelques quarante millions d'années, à l'ère tertiaire, la mer s'étendait sur une grande partie du Bassin Parisien et de l'Artois qui baignait alors sous des latitudes tropicales. Le site sur lequel repose actuellement notre village était lui aussi totalement recouvert par une mer épicontinentale (comme la Manche actuellement), de faible profondeur (200 à 300 mètres) dont le niveau variait au cours du temps.

Ceci explique la présence de calcaire en profondeur (sous la couche de limons apportés par la Somme) sur une grande partie du territoire de Crouy, calcaire qui s'est formé par accumulation, au fond des mers, des coquillages et squelettes des micro-algues et animaux marins il y a quelques millions d'années et qui s'est consolidée au cours du temps.

En outre, ce calcaire renferme de nombreux fossiles, témoins de cette extension de la mer à l'intérieur des terres, comme on a pu en retrouver dans la carrière de la route d'Hangest. Cette carrière renfermait également des poches de sable de mer qui témoignaient de l'existence de plages sur notre territoire, formées il y a bien longtemps au moment du retrait définitif de cette mer.

Beaucoup plus près de notre époque, il y a seulement (!) quelques 500.000 ans apparaissent les premiers "Hommes" dignes de ce nom. Après une évolution relativement lente, on retrouve sur notre territoire des traces du passage de l'Homo-Sapiens, il y a environ 5000 ans, à l'époque néolithique. Ces traces sont surtout matérialisées par des cercles ou fossés comblés. Certains de ces cercles ont été repérés par la prospection aérienne de Monsieur Agache : entre le Bois de Seible et le Bois Carton, à l'est du bois la Garenne, entre le rideau des Routieux et sur Les Prés, à l'est du Bois Basile. Même si la datation et la destination de ces cercles et fossés sont difficiles, il semble qu'ils datent approximativement du Néolithique et qu'ils aient eu une fonction rituelle ou funéraire.

La preuve en est, la mise au jour en 1979 de sépultures de l'Age du bronze route de Soues. Ces sépultures qui étaient en fait des incinérations contenues dans une urne funéraire placée au milieu d'un fossé circulaire attestent bien du séjour sur notre territoire, comme d'ailleurs sur l'ensemble de la vallée de la Somme (Fontaine sur Somme, Montières-Etouvie) de chasseurs du néolithique fréquentant les rives de la Somme.

Homo Sapiens

Nos ancêtres les Gaulois

L'emplacement de notre village dans la Gaule Belgique

En revanche, et paradoxalement, on ne trouve guère de traces du passage des peuplades gauloises ou celtiques sur notre territoire et ce, malgré un âge plus avancé. C'est que la plupart du temps les gaulois demeuraient dans des huttes en bois, quelquefois construites sur pilotis, qui n'ont laissé que quelques rares empreintes difficiles à mettre au jour telles que des trous de poteaux par exemple.

Néanmoins, si l'on en croit l'abbé Delgove, il semblerait que l'actuel site du Gard ait pu avoir quelque histoire avec l'époque gauloise.

En effet, il aurait existé dans le nord de la France, un siècle avant Jésus Christ, un peuple celtique appelé les Morins et qui, afin de se protéger d'envahisseurs éventuels venant du sud, auraient établi un poste militaire au lieudit actuel du Gard, parce que c'était "le premier endroit où, depuis son embouchure, la Somme, à raison de son rétrécissement, permettait d'être traversée".

Ainsi, les Morins, encore appelés "Britanni-picti", gardaient au Gard le passage de l'entrée de leur pays, la Morinie. De là leur nom de "Pictwards" et de là également une des racines hypothétiques du mot "Picard".

Certes, il a bien existé une peuplade gauloise appelée les Morins, mais elle s'étendait plus au nord, sur une partie de l'actuel département du Pas-de-Calais.

La tribu gauloise qui occupait approximativement le territoire du département de la Somme s'appelait les Ambiens ou les Ambiani. Leur nom qui signifient "ceux qui sont des deux côtés de la rivière" indique bien qu'ils peuplaient l'ensemble de la Somme. Leur principal oppidum (camp retranché) se situait à Samarobriva (près d'Amiens dont ils ont d'ailleurs donné leur nom : Ambiens -> Amiens). Eminents guerriers, ils participèrent à la coalition des peuples belges en 57 avant J.-C. destinée à contrer Jules César dans sa conquête de la Gaule Belgique et fournirent un contingent de dix mille hommes. En 52 avant J.-C., c'est un contingent de cinq mille hommes qu'ils donnèrent pour l'armée de secours dédiée à dégager Alésia assiégée par les romains.

Il est fort probable que les Ambiens aient séjournés sur notre territoire.

Témoin, cette monnaie gauloise trouvée fortuitement sur le territoire de notre village : il s'agit d'un "bronze au cheval et au sanglier" dit des "dépôts d'Amiens". En voici, ci-dessous, la photo ainsi qu'un dessin :

Avers : cheval libre galopant à gauche. Sous la tête, un annelet. Sous le poitrail, un autre annelet.

Revers : sanglier stylisé à droite.

La civilisation Gallo-romaine

Comme nous venons de le constater ce peuple du nord pressentait la venue d'envahisseurs venus du sud. Il ne se trompait guère car dès l'an 58 avant Jésus-Christ, César décide de s'emparer progressivement de toute la Gaule, malgré l'opposition de certains chefs notamment Vercingétorix. A ce propos, l'abbé Delgove signale également que "c'est par les bois du Gard que parvient à Fabien le courrier que César expédia en toute hâte chez les Morins, 54 ans avant Jésus~Christ". Trois ans plus tôt, en 57 avant Jésus Christ, Samarobriva, aujourd'hui Amiens, se rendait à Jules César.

C'est alors qu'apparaît la civilisation gallo-romaine consécutive à la conquête de la Gaule.

En effet, après la conquête par les armes, les romains apportent en Gaule leurs civilisation et art de vivre.

En 17 avant Jésus Christ, Agrippa gendre d'Auguste fait construire les voies romaines qui traversent le département de la Somme. Une de ces voies traverse partiellement notre territoire à l'extrême sud entre Tenfol et le Bois de Neuilly. Cette voie romaine était bordée de deux fossés parallèles aujourd'hui comblés et servait sans doute à faciliter le déplacement des troupes romaines dans la surveillance de leur empire. L'actuelle départementale 936 (Picquigny-Airaines) est construite en partie sur cette voie romaine.

Un autre apport de la civilisation romaine réside dans les structures d'habitat : le grand domaine gaulois devient alors la villa gallo-romaine qui est parfois à l'origine de nos communes rurales.

A ce propos, on a retrouvé sur le territoire de Crouy et grâce à l'archéologie aérienne de Roger Agache bon nombre de vestiges attestant l'emplacement de constructions gallo-romaines importantes.

En effet, entre le village et le cimetière, on a découvert il y a quelques années divers alignements de substructions gallo-romaines rectangulaires. Selon Roger Agache il s'agirait sans doute d'un des côtés d'une villa à longue cour rectangulaire.

De même, l'on a retrouvé, entre le Bois Caron et le Bois de Seible, une petite substruction rectangulaire sans doute gallo-romaine.

Également, entre le Chemin Perdu et le Rouvroy ainsi qu'au nord du Bois des Hospices, l'on a décelé diverses substructions gallo-romaines isolées.

Enfin, et c'est le clou du spectacle, on a mis au jour dans le Fond Crépin, entre la Haute Cour et le Temple (à peu près en face de la Briqueterie) une très grande villa gallo-romaine, à longue cour rectangulaire fermée, subdivisée en deux et orientée à l'est-sud-est. La longueur totale de cette villa qui dépasse largement les 200 mètres associé au fait qu'elle fut construite sur une plaine alluviale de la Somme - ce qui est relativement rare - donne à cette villa un caractère historique assez exceptionnel. A ce propos, on a retrouvé sur le front de taille de l'ancienne carrière Becquet une fondation de 0,60 mètres sur 0,90 mètres de profondeur composée de craie pilée mélangée à de la chaux. Il s'agirait là d'une base du mur de clôture de cette même villa. Malheureusement, l'exploitation dans les années 1990 d'une carrière a détruit définitivement les derniers vestiges de cette superbe construction.

Le plan ci-dessous réalisé par Bruno Bréart donne l'aspect général de cette villa.

Outre ces substructions gallo-romaines, on a repéré également d'autres traces constituant des enclos simples ou complexes. Les enclos simples sont semble-t-il des pâturages ou des champs délimités par des fossés et des haies. Ils sont généralement curvilignes. Les enclos complexes, plus élaborés "semblent correspondre à des fermes indigènes d'époque gauloise ou romaine" .

Ainsi, on a retrouvé quelques traces d'enclos entre le Cimetière des anglais et le Bois Carton, entre la Fosse à Vaches et le Bois de Seible, au nord du Bois la Garenne et enfin à la Fosse à Vaches où l'on a repéré des "traces d'enclos complexes avec, semble t-il, des chicanes protégeant deux entrées qui se font face".

Enfin, hormis ces divers vestiges d'habitat, et toujours en relation avec la civilisation gallo-romaine, certains auteurs très anciens ont cru déceler sur le territoire du village deux sites à caractère militaire.

Le premier de ces sites serait un poste de garde romain situé au lieudit Hautevisée, entre le village et le Quesnot et assurant la liaison entre le camp romain de l'Etoile et celui de Tirancourt.

Le second site serait une enceinte retranchée située dans les bois du Gard décrite par l'abbé Destombes dans son livre "Cryptes de Picardie" datant de 1838. Cet auteur dit à ce propos : "En face de l'église du Gard, au pied de la falaise boisée que couronnent les retranchements dont je parlais il n'y a qu'un instant, se trouve l'ouverture d'une carrière qu'on dit très ancienne et très spacieuse". Il ajoute même à propos des retranchements cités plus haut qu'ils étaient destinés "pendant la décadence de l'empire, à servir de retraites aux habitants de nos contrées et de les protéger contre les courses des barbares".

Certes, nous entrons là dans des hypothèses sans doute hardies qu'il faut étudier avec d'infimes précautions, le goût du grandiose et du spectaculaire étant très prononcé chez beaucoup d'écrivains de l'époque.

Mais il faut tout de même savoir qu'à propos de ce dernier site, les souterrains cités existent réellement. Ils ont été fouillés en 1952 par une équipe de Scouts qui en a dressé un plan très détaillé. Nous verrons avec l'époque moyenâgeuse que ce site avait sans doute une toute autre destination.

La civilisation gallo-romaine aura donc laissé, jusqu'au quatrième siècle, bon nombre d'empreintes sur notre territoire. Jusqu'au quatrième siècle seulement car ce peuple quoique fort avancé et à l'organisation militaire importante ne supportera pas les coups de butoir des différentes invasions de barbares venus d'au delà du Rhin.

Déjà, vers l'an 258 de notre ère, l'empereur Gallien doit faire face à une double attaque : les Alamans qui envahissent la Rhétie et les Francs qui franchissent le Rhin inférieur. Alors qu'il s'occupe de la Rhétie, Gallien demande à Postume, général gaulois fidèle à Rome et gouverneur probablement de la Gaule Belgique de contrer les Francs, ce qu'il fait brillamment. Cette victoire facile incite ses troupes à vouloir le proclamer empereur ce qui n'est guère du goût de Gallien qui voit en lui un rival. Postume prend les devants en assassinant le fils de Gallien et en se proclamant empereur durant l'été 260. Postume crée alors ce que l'on appelle l'empire des Gaules et se comporte comme un vrai empereur même si ce n'est qu'un usurpateur. Avant de se faire lui même assassiner en 268 ou 269 suite à une sédition au sein de ses propres troupes, il a le temps de battre diverses monnaies dont une a été retrouvée sur notre territoire, preuve que ses troupes ont séjourné dans notre village. Il s'agit selon toute vraisemblance d'un Antoninien de billion (vers l'an 265) avec à l'avers le buste de Postume et au revers une galère avec l'inscription LAETITIA et dont voici ci dessous la reproduction :

Les invasions barbares sonnent le glas de la civilisation gallo-romaine.

Dès le début du cinquième siècle, sous la poussée des Huns commandés par Attila, diverses tribus d'origine essentiellement germanique envahissent la Gaule romaine : les Wisigoths, les Francs, les Burgondes qui se fixent dans le pays.

Dès l'an 409, les Gépides, les Vandales et les Alains sonnent le glas de la civilisation gallo-romaine en couvrant le département de ruines et de sang et en brûlant Samarobriva (Amiens). Puis, alors que Mérovée est proclamé roi des Francs à Amiens en 447, Atilla poursuivant son invasion est arrêté dans les Champs Catalauniques près de Châlons-sur-Marne en 451. Il parvient toutefois à brûler Amiens en 452.

Ainsi, la fin de l'ère gallo-romaine laisse la place au Moyen Age et à la première dynastie de rois Francs : les Mérovingiens.

L'avènement du moyen-âge : l'ère mérovingienne

L'ère mérovingienne, pas plus que l'ère moyenâgeuse en général, ne laissera que peu d'empreintes sur notre territoire, les invasions barbares ainsi que les luttes intestines, caractéristiques de l'époque, ravageant tout sur leur passage.

Toutefois, spécifiquement à l'ère mérovingienne, il existe un témoignage oral d'un ancien habitant du village relatant l'existence supposée, tenez vous bien, d'un "cimetière mérovingien de plus de 2000 tombes" sis près du Quesnot. Cette affirmation est, bien entendu, à prendre avec toutes les précautions nécessaires car il est vrai qu'elle est unique. Mais il n'y a pas de fumée sans feu. Et l'abbé Delgove lui même rappelle que "vers le moulin à vent du monastère (l'ancien moulin du Quesnot), de nombreux ossements humains trouvés dans la terre dite des Quarante, parait confirmer la vague tradition d'une bataille en ce lieu". La liaison entre ces deux affirmations est peut être hardie mais il convenait de la signaler.

Contrairement à l'époque gallo-romaine, l'ère moyenâgeuse pourtant plus récente ne laissera donc que peu de traces sur le sol du village. Comme je le précisais déjà auparavant, les invasions barbares et leur folie destructrice y sont sans doute pour beaucoup.

C'est notamment le cas des Vikings, ces "pirates du nord" qui remontant la Somme se rendent maître d'Amiens en 882 et ravagent les Abbayes de Corbie et de Saint-Riquier. Puis, en 891, les Normands campent à Argoeuves et passent l'hiver à Amiens.

Ainsi, les quelques constructions qui auraient pu attester sur le sol du village de la présence moyenâgeuse ont sans doute, pour peu qu'elles aient existé, été pillées comme partout ailleurs par les Vikings et autres Normands.

En fait, les seules traces de l'époque médiévale qui ont subsisté dans la région sont constituées principalement de levées de terre (buttes féodales, par exemple). Or, Roger Agache semble avoir repéré dans le bois du Gard des terrassements bien surprenants qu'il pense pouvoir attribuer à cette époque.

Voici ce qu'il dit: "L'ensemble le plus curieux est celui de Crouy. On y remarque une enceinte rectangulaire de 11 hectares dominant une profonde vallée sèche coupée par une impressionnante levée de terre en arc de cercle (...) et qui ressemble étonnamment aux grands barrages hydrauliques modernes.

Il est probable que l'on se trouve là en présence de terrassements médiévaux en rapport avec l'Abbaye du Gard attenant à cette Vallée Meurdrie.

L'enceinte rectangulaire est probablement un enclos à bestiaux où à gibier. Quant au «barrage», il pourrait s'agir soit d'un vivier (mais il eut été beaucoup plus simple de le creuser dans le marais tout proche), soit plus vraisemblablement d'une protection de l'Abbaye contre l'arrivée imprévue d'une trombe d'eau. A. Demangeon a donné de nombreux exemples de vallées sèches transformées en torrents dévastateurs après une pluie d'orage et il signale des travaux considérables effectués au 18ème siècle pour protéger certains villages (A. Demangeon, 1905, pp 143-145)".

Il faut savoir, pour bien comprendre cette explication, que la vallée Meurdrie est une ancienne vallée sèche c'est à dire une vallée où coulait il y a bien longtemps une paisible rivière. Le temps faisant son oeuvre, la rivière s'est asséchée mais la vallée est restée même si ses flancs se sont adoucis. Les violents orages qu'ont connus nos ancêtres ont pu inonder brutalement cette vallée et mettre en péril le domaine de l'Abbaye du Gard.

L'imposant barrage entièrement construit de main d'homme qui coupe cette vallée est encore bien visible à partir du chemin d'Hermilly.

Ajoutons enfin que le site du bois du Gard possède encore une autre curiosité de l'époque sans doute médiévale : il s'agit de la butte du château Raoul, immense levée de terre d'une hauteur d'environ vingt mètres, terminée à son sommet par une espèce de plate-forme ceinte d'un chemin de ronde et qui aurait supporté un petit manoir féodal.

Mais nous entrons là dans des considérations très hypothétiques en ce sens qu'aucun souvenir, aucun vestige ne soit resté pour indiquer l'emplacement d'une telle construction. Si ce n'est peut être l'existence d'un certain Jean Raoul, écuyer de son état et possédant quelques terres à Crouy. On peut lire à ce propos sous la plume de Daire : "Au mois de juin 1284, Jean Raoul, écuyer, sire de Rivière lui (à l'abbaye du Gard) vendit ce qu' il possédoit sur ce terroir".

Entre temps, alors que les invasions barbares s'estompent, l'histoire suivant son cours, on entend parler pour la première fois de notre village.

La seigneurie de Croy

On relève en effet le nom de CROY en 1066 dans un acte de fondation de la collégiale de Picquigny dans lequel on apprend que le village appartenait alors à Eustache de Picquigny, vidame d'Amiens. Crouy était alors une seigneurie relevant de Picquigny à cause du vidamé.

On comptait alors quelques fiefs et fermes importants : le fief de Saint Aubin situé sur l'emplacement de l'actuel cimetière dont Robert de Lignères était le seigneur (1204) ; un autre fief tenu de Belloy sur Somme dont le seigneur était le seigneur de Crouy (1279) ; le fief de Rivières vers Soues, dont le seigneur était Eustache de Rivières (1174) ; les fermes du Quesnot (possédant des vignes dont la dîme devait revenir à l'Abbaye du Gard en 1205 par transaction avec l'abbé de Saint Germer de Fly), du Courti, de Saint Sauveur, de Hautevisée.

La première croisade, les Templiers

Nous sommes maintenant en 1096. Sans doute les habitants du village étaient ils en effervescence. Car cette année là, ils ont sans doute vu passer les premiers Croisés qui se dirigeaient vers Abbeville où ils allaient être passés en revue par Godefroy de Bouillon, leur chef, avant leur départ pour la Terre Sainte. Ce fut la première croisade prêchée par Pierre Lhermite.

De plus, il faut savoir que pour protéger ces Croisés, a été fondé en 1119 un ordre religieux très célèbre : l'ordre des Templiers. Il est possible, mais non certain, que cet ordre possédât un établissement sur le territoire de Crouy, au lieudit actuel le Temple, entre Crouy et Hangest-sur-Somme. En outre, à ce propos, Roger Agache écrit dans "La Somme pré-romaine et romaine" : "Cependant nous avons noté un lieu-dit le Temple à Crouy ; mais ne s'agirait-il pas alors d'établissement des Templiers dont le thème est si fréquent dans le folklore picard ?"

L'Abbaye du Gard

Mais un évènement tout autrement important va affecter en 1137 les quelques âmes du village : Girard, sire de Picquigny et vidame d'Amiens fonde l'Abbaye du Gard. Il donna le terrain où s'élevèrent les bâtiments ainsi que des terres et bois sur le territoire de Crouy.

Très vite d'ailleurs, la ferveur religieuse de l'époque aidant, le domaine de l'abbaye s'accrut : Gérard de Bercicourt lui donnait tout ce qu'il possédait sur Crouy (1155) ; vers 1160 Muges de Molliens donnait le Bois du Gard ; en 1176 Eustache de Rivière, déjà cité précédemment, donnait une partie des terres qu'il possédait à Crouy ; Enguerran de Picquigny, vidame d'Amiens y ajouta 100 journaux du bois d'Hamery situé entre l'abbaye, le Mesge et Tenfol (sans doute sur le territoire de Fourdrinoy). On sait également que l'Abbaye du Gard achètera en 1224 la ferme du Quesnot de Hugues, chevalier, seigneur de Fourdrinoy. Et l'abbaye continua ainsi à s'enrichir de dons et de dîmes jusqu'en 1547 environ.

A son origine, l'abbaye était un magnifique bâtiment isolé par des jardins "vastes et magnifiques".

Voici quelques esquisses du Gard réalisées par les frères Duthoit:

L'avènement des Capétiens

Avec la fondation de l'Abbaye du Gard nous sommes donc parvenus au 12ème siècle. Entre temps, la dynastie mérovingienne décadente avait laissé la place, dès 751, à la famille carolingienne avec le règne de Pépin le Bref, fils de Charles Martel. Mais l'incapacité de ces rois carolingiens à défendre le royaume contre les invasions (des Vikings mais aussi des Sarrasins) contraint les grands propriétaires à se protéger eux mêmes : ils construisent des châteaux forts tandis que les bourgades s'entourent de remparts. Ainsi se développe la féodalité. Puis cette incapacité amène sur le trône la famille des Capétiens qui règnera jusqu'à la Révolution.

Les Capétiens marquent leur règne par une transformation générale du pays. L'agriculture se développe : on note entre autre une expansion de l'utilisation du moulin à eau (les moines de l'Abbaye du Gard et ceux du Prieuré de Saint-Pierre-à-Gouy avaient plusieurs de ces moulins dans l'ancien bras de la Somme dont le moulin dit de Compense qui appartenait au Prieuré de Saint Pierre à Gouy et qui "était peu distant du Gard".

Également, le commerce réapparaît (il s'était fortement altéré lors de la décadence carolingienne) : à Crouy, le commerce de la tourbe, même s'il n'est pas mentionné à cette époque, devait sans doute déjà exister. On sait par Darsy que dès 1223, Enguerran, seigneur de Picquigny, ayant donné aux religieux du Gard un pré situé à Dreuil-lès-Amiens, leur avait interdit de le vendre pour en extraire de la tourbe. Ce commerce subsista au moins jusqu'en 1895 date à laquelle Alcius Ledieu écrivait dans son "Mélange d'histoire locale": "Il se fait à Crouy un commerce considérable de cendres et tourbes pour l'engrais des terres" .

L'architecture romane

Le règne des Capétiens voit également se développer des foyers de culture et d'art avec notamment la généralisation de l'architecture romane qui arrive à son apogée dès la fin du 12ème siècle. Cette architecture était d'ailleurs bien représentée dans notre village.

C'est le cas d'abord de l'église romane des Cisterciens du Gard qui recouvrait l'emplacement de l'église actuelle et s'étendait devant le portail. Cette église devait être postérieure de 25 à 30 ans à la fondation de l'abbaye. Alcius Ledieu fait de cette église la description suivante: " l'ancienne église romane dont l'enceinte était grande comme une cathédrale. La nef principale était large de sept mètres et les bas-côtés de cinq. La grande porte était carrée avec des consoles en gorge dans les angles ( ... ). Les murs, qui ont près de deux mètres d'épaisseur a la base, présentent encore des colonnes engagées (...). La construction de cette antique église était très belle, la pierre d'un bon choix, d'une belle coupe, le mortier très solide. Dans le cloître à l'endroit ou se faisait la lecture des complies, on voit le tombeau du fondateur mort en 1174".

Divers éléments de l'architecture romane de cette église subsistent encore aujourd'hui (bases de colonnes engagées, contreforts, etc.) dont la plus belle pièce semble être une porte romane située entre le cloître et l'église et que l'on peut encore admirer.

Mais l'art roman a laissé également pendant longtemps son empreinte au sein du village, sur l'ancienne église. Camille Enlart écrivait à ce propos : "un autre portail roman, existait dans l'église de Crouy : il avait été dessiné par Mr Duthoit. Ce monument rare et intéressant a été détruit en 1884".

Ainsi, comme nous venons de le voir, le règne des capétiens semble avoir apporté à la France un renouveau général. Toutefois, malgré les progrès dans l'agriculture, le commerce et les arts, la guerre (première guerre de Cent Ans de 1152 à 1259), les rivalités internes, la misère et la maladie subsistent.

La maladie et les rivalités internes

La maladie, c'est surtout la lèpre qui prolifère avec le retour des croisades. Devant cette affreuse maladie, le seul remède de l'époque est l'isolement. Il se crée un peu partout dans le département des léproseries dont celle de Tenfol (située à l'extrême sud du territoire de notre village, sur la commune de Fourdrinoy), à l'initiative du vidame Gérard. D'ailleurs, l'un des abbés du Gard, Robert, fut frappé de cette horrible maladie et en mourut semble t-il en 1300.

La misère, quant à elle, est très intense. Il n'y a qu'à connaître les obligations de l'Abbaye du Gard vis à vis des pauvres de la région pour s'en rendre compte : "D'après une transaction de 1718, l'abbé du Gard était tenu de nourrir à ses frais les religieux mendiants et pauvres passants, que l'on appelait les hôtes et dont le nombre était considérable ; il était en outre tenu à faire des aumônes journalières et une aumône générale le Jeudi Saint qui s'étendait à plus de 2000 pauvres".

Darsy écrit également : "Jadis il était distribué aux pauvres des chaussures aux approches de l'hiver c'est à dire le jour de la Saint Rémi, par le portier du couvent".

Enfin, on apprend également que pendant l'hiver rigoureux de 1709 l'Abbaye du Gard a effectué une donation de grains aux habitants de Crouy. La pièce relatant cette transaction se trouvait encore dans les archives de la mairie en 1919.

Quant aux rivalités internes qui font rage dans le pays c'est, par exemple, Charles le Mauvais, roi de Navarre qui, s'alliant avec la bourgeoisie parisienne d'Étienne Marcel, mettait en péril la monarchie française. Un des abbés du Gard, Nicolas, convaincu d'intelligence avec Charles le Mauvais qui avait tenté de s'emparer d'Amiens, fut décapité en septembre 1358 avec le capitaine de la ville, Jacques de Saint Fuscien.

Mais ces rivalités, c'est aussi la lutte qu'a menée en 1307 Philippe le Bel contre l'ordre religieux de chevalerie des Templiers. Convoitant leurs trésors (les Templiers conservaient et géraient le trésor du roi de France), il les fit arrêter en 1307. Dusevel et Scribe écrivirent à ce sujet : "les vastes souterrains qui règnent sous le château de Picquigny servirent de prison aux Templiers arrêtés le même jour par ordre de Philippe le Bel dans toute l'étendue du baillage d'Amiens". L'établissement des Templiers de Crouy, s'il a réellement existé, était concerné par cette mesure.

La famille des Capétiens va donc laisser aux Valois qui vont leur succéder un pays somme toute déchiré.

La dynastie des Valois

La dynastie des Valois qui gouvernera la France jusqu'en 1589 ne fera guère mieux et va laisser derrière elle deux siècles et demi de guerres quasiment ininterrompues, notamment la deuxième guerre de Cent Ans de 1387 à 1453 et les guerres d'Italie de 1494 à 1559. Plus particulièrement, la deuxième guerre de Cent Ans opposant les rois de France et d'Angleterre laissera de bien mauvaises traces sur notre sol comme sur tout le nord de la France, notamment à la suite de la bataille d'Azincourt le 25 octobre 1415. A ce propos, Dusevel et Scribe écrivirent : "L'Abbaye du Gard fut ruinée lors de la bataille d'Azincourt par de nombreux corps de troupes qui stationnèrent en Picardie à cette époque".

La dynastie des Valois s'éteint en 1589 avec Henri III. La couronne passe alors à la famille des Bourbons qui règnera sans interruption jusqu'à l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793.

La dynastie des Bourbons

Henri IV, premier roi de cette grande famille va laisser son empreinte dans l'histoire du village. C'est en effet lui qui va ériger, notre village en duché au mois de juillet 1598 en faveur de Charles de Croy duc d'Arscot.

A cet effet, on peut lire dans le Dictionnaire Historique et Archéologique de Picardie, les quelques lignes suivantes: "La seigneurie (de Croy) est restée ensuite dans la même famille jusqu'à la révolution et parmi ses membres on trouve les princes de Croy et du Saint-Empire, les princes de Chimay, de Solre et de Moeurs, les ducs d'Havré et de Croÿ d'où descendent les ducs de Croy-Wailly actuels" .

De même, on peut lire sous la plume de Goze : "Quelques cabanes qu'on aperçoit à peine au milieu des marais de la Somme constituent le village de Croy, humble berceau de la grande famille de ce nom qui s'étendit si puissante dans les Pays-Bas, sous les ducs de Bourgogne. et les rois d'Espagne ; elle compta nombre d'illustrations telles que les Chevaliers de la Toison d'or, d'habiles généraux, un gouverneur de Charles Quint etc ; ses ramifications donnèrent lieu à des maisons princières telles que les princes de Chimay, de Solre, les ducs d'Havré, d'Arscot, etc. Marc, fils d'Etienne IV, roi de Hongrie, vint chercher sur ces rives paisibles la tranquillité qu'il ne trouvait pas dans son pays. (...) Catherine de Picquigny lui donna sa main en 1173. Cette nouvelle maison conservera des armes analogues à celles le-s de Hongrie".

En outre la famille de Croy possédait dans le village un château situé près de l'église. Alcius Ledieu disait dans son Mélange d'histoire locale : "Le château de la famille de Croy est ruiné depuis longtemps ; il existait en bas, à gauche de l'église ".

De plus, on sait que ce château existait encore lors de l'extinction du duché (c'est à dire au début du 18ème siècle selon Dusevel et Scribe) car Daire écrivait en parlant de ce château : "Depuis l'extinction du duché par défaut d'enfants mâles le château relève de Picquigny comme auparavant" .

Il faut savoir enfin que la famille de Croy n'aurait pas été la seule à posséder un château dans le village. Il semble en effet que le seigneur de Rouvroy qui possédait un fief sis entre Crouy et Hangest-sur-Somme avait lui aussi son propre château. Alcius Ledieu a écrit sur le seigneur de Rouvroy ces quelques lignes : "Dans le chœur (de l'église de Crouy) est une pierre tombale recouvrant le cœur de M. Pioger, seigneur de Rouvroy, fief situé entre Crouy et Hangest. Il avait été assassiné avec sa domestique à la fin du 17ème siècle dans son château qui a été détruit depuis cette époque. Il avait une justice qui s'étendait à une partie de Crouy et qui était désignée par une fourche patibulaire à laquelle était attaché un carcan qu'on a vu jusqu'en 1793" .

Ainsi, de château en seigneur, de seigneur en noble, nous arrivons tout doucement à l'aube de la Révolution.

D'un côté, le paysan est de plus en plus écrasé par les impôts royaux, il est à la merci des mauvaises récoltes et des famines. Il s'oppose alors de plus en plus aux privilèges des nobles et aux redevances seigneuriales.

De l'autre côté, la noblesse entend maintenir ses privilèges et tente d'accroître les revenus provenant des droits seigneuriaux.

C'est dans ce climat d'antagonisme social qu'éclate la révolution de 1789.

Bon nombre de mesures prises alors par l'Assemblée Constituante ont affecté la vie de nos concitoyens : mise en vente des biens du clergé décrétés propriété de la nation, constitution civile du clergé, serment de fidélité imposé aux prêtres.

Aussi, après la période d'euphorie qui suivit la Déclaration des Droit de l'Homme et du Citoyen, vint la désillusion.

François Decaix, curé de Crouy à partir de 1787, prêta le serment de fidélité le 6 février 1791. Il est arrêté en 1793 et détenu à Amiens jusqu'au 26 août 1794.

Quant à la confiscation des biens du clergé, on peut citer L'inventaire de l'abbaye du Gard dressé le 14 mai 1790 par des officiers municipaux de la ville d'Amiens. On trouve pêle-mêle : "quatre calices, un ciboire, un ostensoir, une boite aux saintes huiles, un encensoir et sa navette, une paire de burettes et leur plateau, le tout en argent ; une croix vieille en bois recouverte d'une mince feuille d'argent doré ; un petit reliquaire en bois, aussi couvert d'une feuille d'argent ; une croix processionnelle, deux chandeliers d'acolytes et un bénitier, en cuivre argenté" .

On peut également ajouter un buffet d'orgues neuf et une bibliothèque composée de 1972 volumes, autant de biens qui furent honteusement confisqués pour ne pas dire volés.

Enfin, l'abbaye entière fut vendue à Louis-Clément Delahoche-Delannoy de Corbie pour les bâtiments et à Philibert Maressal d'Amiens pour la ferme et les terres du Quesnot.

C'est donc dans ce climat malsain que se termine notre voyage au travers de l'histoire de notre village. Nous le voyons bien, jusqu'à une époque encore relativement récente tout n'a pas été bien rose pour nos concitoyens, civils ou religieux.

L'église romane de Crouy dessinée par les frères Duthoit.

Aussi, nous nous rendons compte aisément que même dans un petit village où l'histoire n'a pas laissé de grandes marques, telles que ces grandes batailles qui ont donné leur nom à la ville qu'elles ont détruite, même dans ce petit village là, l'histoire a eu un sens car elle a fait souffrir, a fait espérer, a fait sourire parfois.

Aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, cette histoire fait plutôt sourire. Elle n'intéresse guère plus grand monde. Qui peut bien encore s'intéresser aux quelques individus qui étaient là avant nous ?

Et bien nous mêmes, vous qui avez lu ce document. Car l'histoire d'un village, c'est un peu comme l'histoire d'une grande famille. Ces gaulois, ces serfs, ces seigneurs, ces religieux c'est un peu nos aïeux et cela peut quelquefois nous intéresser de connaître leur vie quotidienne.

Parfois même, si l'on n'y prenait garde, on pourrait s'émouvoir de leur condition, de leur souffrance, de leur combat pour nous donner un monde meilleur.

En fait, on se rend vite compte qu'un village comme le notre sans histoire propre, sans fait historique notable peut nous donner une idée beaucoup plus profonde du quotidien du milieu social et géographique de nos ancêtres que ne le ferait l'étude d'un quelconque fait historique ressassé dans nos livres d'histoire.

Aussi, j'ose espérer qu'en lisant ce document, le lecteur aura éprouvé cette sensation surprenante de se retrouver, l'espace d'une lecture, au milieu de ce bouillon de culture qui donnera naissance à notre civilisation actuelle.

Et puis, peut être cela réveillera t-il la fibre de l'histoire que chacun de nous porte en soi ?

Patrick Van Laecken

*********************************

Bibliographie

Cette bibliographie est composée de deux parties :

L'ensemble des documents utilisés pour la rédaction de ce dossier.
D'autres sources qu'il serait intéressant de consulter.

NB : BMA=Bibliothèque Municipale d'Amiens ; CP=Collections privées

1) Bibliographie principale :

* AGACHE, BREART : "Atlas d'archéologie aérienne de Picardie" - 1975 - (BMA).

* AGACHE : "Archéologie aérienne de la Somme" - 1963,1964 - (BMA).

* AGACHE : "Détection aérienne de vestiges protohistoriques, gallo-romains et médiévaux dans le bassin de la Somme et ses abords" - 1970 - (BMA).

* AGACHE : "La Somme pré-romaine et romaine d'après les prospections aériennes à basse altitude" - 1978 - (BMA).

* ALCIUS LEDIEU: "Mélanges d'histoire locale" - 1895 - (BMA).

* BOUTHORS : "Coutumes locales du baillage d'Amiens" dans "Mémoires de la S.A.P." - 1845 - (BMA).

* BOUTHORS : "Esquisse féodale du comté d'Amiens au 12ème siècle" - 1843 - (BMA).

* DAIRE : "Histoire civile, ecclésiastique et littéraire du doyenné de Picquigny" - 1865 - (BMA).

* DARSY : "Les bénéfices de l'église d'Amiens" dans "Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie" - 1869-1871.

* DARSY : "Picquigny et ses seigneurs, vidames d'Amiens" - 1860 - (CP).
* DELGOVE : "L'Abbaye du Gard" - 1866 - (CP).

* DESTOMBE Michel, BRANDICOURT Jacques : "Voyage à travers la Somme" - 1975.

* DESTOMBE Michel : "Le Clergé du diocèse d'Amiens et le serment à la constitution civile : 1790-1791" - 1971 - (BMA).

* DESTOMBE Michel : "Les abbés du Gard" - (CP).

* DESTOMBE : "Cryptes de Picardie" - 1838 - (BMA).

* DUSEVEL, SCRIBE : "Description du département de la Somme" - 1634-36 - (BMA)
* DUSEVEL : "Lettres sur le département de la Somme" - 1840 - (BMA).

* DUTHOIT Aimé et Louis : "En Picardie et alentours" - 1979 (réédition) - (BMA).
* ENLART Camille : "L'architecture romane dans la région picarde" - 1836 - (BMA).
* GARNIER : "Dictionnaire topographique de la Picardie" - 1878 - (BMA).

* GOZE : "Notice sur les villages sur le chemin de fer d'Amiens à Abbeville".
* JUMEL : "Monographies picardes - Monographie de Croy" - 1869 - (CP).

* MABILLE DE PONCHEVILLE : "Amiens et la côte picarde" - 1932 - (CP).

* Société des Antiquaires de Picardie : "Dictionnaire historique et archéologique de Picardie" - 1919.

* VASSELLE, AGACHE : "Les villas gallo-romaines de la Somme" - 1966 - (BMA).
* VASSELLE : "Inventaire des constructions romaines rurales de la Somme" - (BMA).

2) Autres sources à explorer :

* CAPPEFIGUE M. : "Essai sur les invasions des Normands".

* COURCELLES (Chevalier de) : "Biographie de la maison de Croy - Histoire des pairs de France".

* DE BEAUVILLE : "Recueil de documents inédits concernant la Picardie", III et V.

* DESTOMBE Michel : "Introduction à l'étude des chartes de l'Abbaye du Gard" dans le bulletin de la S.A.P., LIII - 1969.

DESTOMBE Michel : "L'Abbaye du Gard pendant la Révolution de 1789" dans le bulletin de la S.A.P." - 1987.

* DUPLESSY Jean : "Le trésor de l'abbaye du Gard : monnaies d'or et de billon du XVème siècle" dans le bulletin de la S.A.P., n°546 - 1972.

* FURETIERE : "Dictionnaire universel de Trévoux".

* GOZE : "Le canton de Picquigny" (publié par Alcius Ledieu dans le Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie), X.

* JANSSON : "Dictionnaire géographique" - 1647.
* JOANNE : "L'Abbaye du Gard au 18ème siècle" - 1876.
* PAGES : "Manuscrit de Pagés, commerçant d'Amiens" - 1856-1862 - (BMA).
* TRIBOUT DE MOREMBERT, dans la revue Citeaux, XVII - 1966.

**************************************************************

NOTES

Abbé Delgove: "L'abbaye du Gard" - 1866.

Pour des raisons évidentes de sécurité, ce plan n'est pas reproduit ici. Il faut savoir tout de même que la précision des recherches a permis la découverte de multiples galeries : Galerie des Explorateurs, Galerie des Maquisards, salle des Corniches, Notre Dame des Gouffres.

Roger Agache: "La Somme pré-romaine et romaine", p 215

A ce propos, connaissez vous l'origine du mot "Meurdrie" ?

Alcius Ledieu vous la donne dans cette anecdote : "L'évêque François de Halluin chassant dans les bois du Gard le 18 juin 1538 fut mordu par un sanglier ; il ne tarda pas à expirer, mais la décomposition de son corps fut si rapide qu'on ne put le ramener à Amiens ; il fut inhumé dans le chœur de l'Abbaye du Gard, sous la lampe (...). Le lieu où il fut blessé par le sanglier s'est appelé depuis Vallée mordrie ou meurdrie".

Delgove voyait dans ce barrage un "pont de terre" qui aurait servi aux religieux du Gard pour rencontrer les moines du prieuré de Saint Pierre à Gouy. D'ailleurs l'abbé Delgove a une toute autre interprétation de ces terrassements: il s'agirait là non d'un barrage mais d'un grand complexe de défense, autrement dit, une sorte d'enceinte fortifiée permettant. de défendre le site du Gard et ses environs. Delgove ajoute à propos de ces fortifications : "une tour peut être dont on reconnaît encore des vestiges et qui aurait servi à protéger le pont de terre".

Grand barrage hydraulique médiéval ou complexe de défense fortifié, les enjeux sont ouverts !...

Daire : "Histoire du doyenné de Picquigny".

A propos de chevalier, savez vous qu'il existe une légende selon laquelle un chevalier se serait battu en duel au lieudit les Trois Arbres et y serait mort et enterré.

Ces arbres devaient être des ormes ayant appartenu à un certain Delamotte et au pied desquels il y avait un grand borne.

Voici ce que rapporte Daire à propos du Quesnot : "... Le terrain où domine l'argile sablonneuse, produit des bleds, des orges, des mars et un peu de lin. On y trouve de la craye".

Bientôt, le Quesnot approvisionnera le Gard en vin grâce à ses vignes très réputées.

Aimé et Louis Duthoit : "En Picardie et alentours" - 1979 - Réédition.

Delgove - Ibidem, p 35

Darsy: "Les bénéfices de l'Eglise d'Amiens" - Tome 1.

Alcius Ledieu: "Mélange d'histoire locale" - 1895

Il s'agit bien de l'ancienne église romane. L'église actuelle a été construite à la fin du 19ème siècle. Il ne reste de l'église romane que les anges adorateurs du maître-autel et deux grandes statues en pierre de la Vierge tenant l'Enfant Jésus et de Saint Jean-Baptiste, le tout du 18ème siècle et provenant de l'abbaye du Gard.

Provient également du Gard, une colonne de granit surmontée d'une croix en fer forgé "d'un joli travail de ferronnerie" et qui était plantée près de l'église. Ce petit monument existe toujours aujourd'hui : allez le voir derrière le monument aux morts du village.

Camille Enlart: "L'architecture romane dans la région picarde" - 1836.

Alcius Ledieu - Ibidem, p 287

Darsy: "Les bénéfices de l'église d'Amiens" - Tome I.

Société des antiquaires de Picardie: "Dictionnaire historique et archéologique de Picardie" - 1919.

Dusevel et Scribe: "Description du département de la Somme", tome II 1634-36.

Goze : "Notice sur les villages sur le chemin de fer d'Amiens à Abbeville".

Alcius Ledieu : ."Mélange d'histoire locale" - 1895 - p 284

Dusevel et Scribe : Ibidem, p 125.

Daire: "Histoire du doyenné de Picquigny", p 32.

Alcius Ledieu - Ibidem, pp 285-286.

Abbé Michel Destombes: "Le serment à la constitution civile 1790-1791".

Darsy, Ibidem.